Tatouage japonais : Ryu

Illustration japonaise Ryu, dragon đź‘ą Nuevo Mundo studio de tatouage japonais Ă  Strasbourg

Le Dragon

Le mythe du dragon est commun Ă  toutes les cultures antiques, comme l’Égypte ancienne, Babylone ou l’Inde, cette figure mythologique est Ă©galement très importante dans les cultures occidentales. Dans toutes ces cultures, les dragons sont associĂ©s aux dieux ailĂ©s du ciel, qui descendent sur Terre afin de crĂ©er des humains. MĂŞme s’ils sont des crĂ©atures mythologiques, les dragons partagent  beaucoup de caractĂ©ristiques dans toutes les diffĂ©rentes cultures, ce qui tend Ă  un prouvĂ© une origine commune.

Contrairement à l’occident, les dragons en Asie ne symbolisent pas nécessairement le mal, ils sont généralement vu comme figure de gentillesse. Leurs racines dans la culture japonaise, qui ont elles-mêmes leurs origines en Chine (et plus spécifiquement dans les traditions bouddhistes) peuvent être expliquées par leur aspect intimidant et extrêmement puissant, pensant qu’ils représentent et apportent bienveillance et bonne fortune dans la majorité des cas.

Le dragon est la reprĂ©sentation sur Terre d’une des huit dĂ©itĂ©s qui protègent Bouddha, son nom est Ryu, il est liĂ© aux Ă©lĂ©ments naturels primaires, tels que le vent, le feu et l’eau. 

Dû à leurs origines célestes les dragons étaient considérés comme des éléments astrologiques. Déclarées comme ennemis du Soleil et de la Lune, les éclipses se produisirent lorsque les dragons tentaient de dévorer l’un des deux astres.

Ils montent vers le ciel en printemps  et descendent dans les profondeurs  en automne , et durant leur voyage ils peuvent changer radicalement de taille, allant de la plus petite crĂ©ature jusqu’à couvrir tout le ciel.

Leur physionomie est un mĂ©lange de plusieurs animaux puissants: la tĂŞte d’un chameau, les cornes d’un cerf, les yeux d’un lièvre, les oreilles d’un taureau, la crĂŞte d’un phoenix, le corps d’un serpent et les Ă©cailles d’une carpe, les pattes d’un tigre et les griffes d’un aigle.  Ils peuvent avoir des ailes, dans quel cas ils avaient habituellement une seule paire de jambes, comme la queue d’un phĂ©nix.

Ce sont là les composantes basiques des dragons en extrême orient, mais ils varient légèrement de si le dragon est chinois, japonais ou coréen. Ils sont aveugles, ils peuvent contracter et étendre leur corps à volonté, ils ont le pouvoir de se transformer en n’importe quelle personne, homme ou femme, et quand ils font ça, ils sont incroyablement beaux. C’est comme ça qu’ils séduisent des humains et ont des enfants avec eux, qui deviennent par la suite de grands dirigeants. En réalité, beaucoup d’empereurs clamaient avoir de la descendance draconique. Les dragons peuvent aussi se transformer en animaux et devenir invisibles. Pourtant ils ont leur kryptonite, ils ont peur des centipèdes, la soie teinte en cinq couleurs et le fer.

Les dragons aquatiques vivent au fond de la mer où ils sont les gardiens de grands trésors, spécifiquement les perles, qui ont comme propriété de ressusciter les morts. Ils vivent et contrôlent les rivières, les lacs et les pluies, plus grand est l’étendue d’eau plus grand est leur pouvoir. Dans les plus vieilles légendes, ils pouvaient être fluorescents et illuminer les eaux la nuit.

En termes de diffĂ©rences entre les dragons concernant leurs origines et caractĂ©ristiques, leur nombre de griffes est le marqueur principal. On peut normalement dĂ©finir l’origine d’un dragon en comptant ses griffes. Au Japon il sont toujours reprĂ©sentĂ©s avec trois griffes, il est courant de les voir dans les tatouages sous cette forme.  En Chine ils peuvent en avoir quatre ou cinq. La variĂ©tĂ© de dragons Ă  cinq griffes Ă©tait beaucoup utilisĂ©e par la famille de l’empereur,  ils ont Ă©tĂ© le motif principal du drapeau de la dynastie Qing (1644-1911), ceux qui osaient utiliser des dragons Ă  cinq griffes comme symbole pour dĂ©corer leur maison pouvaient ĂŞtre condamnĂ©s Ă  mort. Tant en Chine et qu’au Japon, il est dit que plus le trajet du dragon est long plus ses griffes se dĂ©veloppent. Et si il voyage trop loin, ses griffes seront tellement longues qu’il lui serait impossible de marcher Ă  nouveau sur terre. En IndonĂ©sie et en CorĂ©e, la croyance veut que selon la direction du voyage le dragon gagne ou perdra des griffes.

En plus d’être sages, les dragons sont aussi vaniteux, et sont facilement offensés si les humains ne respectent pas leurs règles et mises en garde ou s’ils ne leur montrent pas le respect dû. Leur vengeance peut prendre la forme d’une sécheresse, de très fortes pluies ou de tempêtes. Il est dit que les petits dragons passent leur temps à causer des fuites dans les toits ou à faire pourrir le riz.

Dans l’art japonais, dont dans le tatouage, il est commun de représenter le dragon volant dans des nuages en forme de champignons. Ce n’est pas une coïncidence, car ils représentent une variété spécifique de champignons appelés reishi, ou champignons d’immortalité, ce qui symbolise la jeunesse éternelle. Une autre forme de nuages accompagnant les dragons est en spirale, cette forme indiquant que les poumons du dragon sont en train de se charger pour souffler de l’eau ou du feu, ces spirales sont la représentation active de tous les pouvoirs de l’univers. Quand le fond est brumeux comme de la fumée, on peut savoir grâce à la densité si c’est une scène prenant place le jour ou la nuit.

Les dragons portent gĂ©nĂ©ralement une perle  flamboyante entre leurs griffes, dans laquelle tout leur pouvoir rĂ©side, dont le fait de pouvoir monter au ciel. Elles sont connues pour ĂŞtre les perles de Bouddha, contenant toute l’essence spirituelle de l’univers.  Elles ont le pouvoir de multiplier tout ce qu’elles touchent, en plus de quoi elles symbolisent la perfection et la sagesse, tout en Ă©tant de puissantes amulettes de bonne fortune. Elles ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es dans des lotus clos, exclusivement dans de l’eau Ă  proximitĂ© de temples  ou de demeures de ceux ayant atteint l’illumination.  Une fois que le lotus s’ouvre, la perle peut aller laisser Ă©clater toute sa splendeur.

Il y a beaucoup de lieux dĂ©vouĂ©s aux plus anciens et plus puissants dragons.  Certains de ces lieux sont rĂ©els, comme par exemple le temple de Tenryu Ă  Kyoto, qui tient son nom d’un moine qui, au XIVème siècle, rĂŞva d’un dragon qui sortit de la rivière et s’éleva vers le ciel (Tenryu signifiant «dragon du ciel»). Ce temple, un site classĂ© au patrimoine mondial de l’Unesco, contient une surprise. Sur le plafond de vingt-deux mètres de haut d’un de ses bâtiments se trouve une peinture d’un dragon cĂ©leste, qui a un impact visuel très important sur les visiteurs entrant ici pour la première fois. Ce n’est pas seulement l’une (voir lĂ ) des plus belles reprĂ©sentations de dragon, elle interagit Ă©galement avec les visiteurs. La tĂŞte du dragon occupe l’espace central de l’énorme circonfĂ©rence, la manière et la technique dont le dragon a Ă©tĂ© peint donnent l’impression que, quel que soit l’endroit oĂą l’on se trouve dans la pièce les yeux du dragon nous observent. Une fois qu’un visiteur a fait plusieurs fois le tour de la pièce et a vu cet effet, il verra alors que tout le corps du dragon est entortillĂ© et serpente pour suivre l’observateur dans toute la pièce.

D’autres endroits dĂ©diĂ©s aux dragons sont maintenant devenus des lĂ©gendes, comme par exemple le palais du roi de tous les dragons, Ryujin, dont il est dit qu’il est situĂ© au fin fond des ocĂ©ans, près des Ă®les de Ryukyu. Des centaines de dragons gardent ce temple Ă  plusieurs Ă©tages, faits de coraux rouges et blancs, ce qui est un grand trĂ©sor. Pour les humains, une journĂ©e dans cet endroit serait Ă©quivalente Ă  cent ans sur terre. Ryujin est prĂ©sentĂ© comme Ă©tant âgĂ©, un visage vert, une longue barbe, et il ornĂ© d’un genre de couvre-chef fait d’une tĂŞte de dragon et d’un corps de dragon suspendu Ă  son dos. Ses vassaux sont tous les poissons et toutes les crĂ©atures de la mer, ses deux acolytes Ă©tant la tortue (le chef des messagers) et le poulpe (son chef mĂ©decin). Ryujin contrĂ´le les marĂ©es grâce Ă  ses bijoux magiques (tama). Un des thèmes les plus populaires dans le tatouage japonais  dĂ©peint un Ă©pisode oĂą une jeune plongeuse vole un de ces bijoux, contenant toute l’essence spirituelle de l’univers. Cette lĂ©gende (et son tatouage) est appelĂ© muge hoju no tama et elle est supposĂ©e avoir pris place au septième siècle. Ryujin a volĂ© ces bijoux Ă  un bateau qui les transportait comme prĂ©sents pour l’empereur. Le rĂ©cit a plusieurs retournements de situation, Ă  la fin desquels la jeune plongeuse, sachant que les dragons ne touchaient pas Ă  la chair morte, se poignarda et cacha les perles dans sa plaie. Son corps sans vie remonta Ă  la surface, les perles brillant en elle, ce qui permit Ă  ce que l’on apporte les perles Ă  l’empereur, au prix de la vie de la jeune femme.

Lorsque le dragon est dĂ©crit autour d’une Ă©pĂ©e qui a une poignĂ©e vajra c’est appelĂ©  kurikara ryu, ce qui est une vue commune des katanas. Dans certains cas le dragon entoure complètement l’épĂ©e, lorsque c’est le cas c’est un kurikaraken ryu. L’épĂ©e appartient Ă  Fudo Myo, de ce fait Fudo peut ĂŞtre reprĂ©sentĂ© Ă  l’arrière du dragon, Ă  savoir que d’autres dĂ©itĂ©s peuvent ĂŞtre montrĂ©es avec un dragon, comme Kannon et Benzaiten.

Comme il s’agit de créatures venant du ciel et du vent, les dragons sont considérés comme de bons protecteurs contre le feu, de fait ils sont plus représentés dans le tattoo en train de combattre du feu.

Dans tous les cas, il y a seulement deux manières de représenter un dragon enflammé dans une image: soit avec des flammes provenant de la perle qu’il tient entre ses griffes, ou lorsqu’elles viennent de ses épaules, de la partie où ses jambes rejoignent le corps, il porte le feu afin d’en protéger les humains.

En termes d’iconographie leur reprĂ©sentation implique des proportions qui les montrent  puissants: le diamètre de leur corps ne doit pas ĂŞtre plus large que la tĂŞte, sauf dans les zones oĂą il se courbe, c’est pourquoi un corps de serpent fait une bonne rĂ©fĂ©rence pour dessiner un dragon. Les jambes doivent ĂŞtre assez longues et robustes pour supporter la taille et le poids d’un dragon sans pour autant ĂŞtre trop longues et Ă©paisses, afin qu’il ai l’air bien stable. Par ailleurs le dragon doit avoir deux pattes de chaque cĂ´tĂ©, sauf si celui-ci est dotĂ© d’ailes, ceci paraĂ®t Ă©vident, mais c’est une erreur commune. La position des jambes est importante, car c’est elles qui donnent le dynamisme et l’expression du dragon. Des jambes placĂ©es très en avant feront que le dragon aura un cou plus petit ou plus long, il faut que tout soit toujours proportionnĂ©. Les griffes doivent bouger de manière expressive. IdĂ©alement deux griffes d’une mĂŞme patte (voire de pattes diffĂ©rentes!) ne doivent pas aller vers la mĂŞme direction. L’échelle, la proportion peut varier en termes de taille en fonction du style de l’artiste tatoueur, gĂ©nĂ©ralement pour pour le plus traditionnel  les lignes vont ĂŞtre plus larges et Ă©paisses. Cependant elles doivent suivre un certain pattern, s’adaptant Ă  la morphologie de chacun et avoir une apparence imposante, qui donne l’impression de tout englober. ReprĂ©senter un dragon avec de la couleur veut dire que celui-ci a plus de cinq-cents ans, les plus jeunes n’ont pas de pigmentations et donc pas de couleurs. Quand ils atteignent plus de mille ans, ils peuvent avoir des ailes ainsi que des plumes, similaires Ă  celles d’un phĂ©nix. La tĂŞte du dragon doit rĂ©sumer au maximum son caractère: il peut ĂŞtre fĂ©roce et noble, puissant et sage. La bouche a aussi une signification: une fermĂ©e transmet de la sĂ©rĂ©nitĂ© et protège des dĂ©mons d’arriver ou d’entrer, alors qu’une ouverture tendra Ă  chasser les dĂ©mons.

Si tous les éléments sont correctement combinés, l’impact visuel pourrait être résumé par «une harmonie dynamique». Il est à noter que ce sont ces éléments qui sont les plus importants dans le tatouage japonais, ils demandent énormément de travail, de persévérance et de savoir-faire. Représenter un dragon sous toutes ses coutures peut être le travail d’une vie, mais une fois qu’un artiste maîtrise ça le résultat est d’autant plus spectaculaire qu’il dégage une pure énergie. Les tatoueurs japonais sont obsédés avec l’idée de capturer cette énergie, ils gardent toujours l’oeil pour la fin, car c’est à ce moment-là qu’ils insufflent l’âme au dragon. Une légende raconte qu’au sixième siècle un artiste anonyme peignait énormément de dragons, surtout réalistes, et que sa dernière peinture était d’un tel niveau qu’à sa mort le dragon prit vie, cassant la toile et passant à travers les nuages noirs, perçant le toit pour partir vers le ciel, au moment où l’artiste peignit ses yeux.

Il y a un type de tatouage recouvrant entièrement tout le corps, il s’agit du thème des neuf dragons, l’origine de cette reprĂ©sentation se trouve dans le Suikoden: Shi Jin, un des protagonistes les plus populaires parmi les 108 hĂ©ros, aussi appelĂ©s Étoiles de la DestinĂ©e, porte ce tatouage. Parmi ces 108 hĂ©ros (et brigands!) il y a trente-six esprits cĂ©lestes et soixante-douze «dĂ©mons terrestres». Shi Jin est le vingt-troisième sur les trente-six hĂ©ros cĂ©lestes, il est aussi connu par son surnom du tatouĂ© aux neuf dragons. C’est un expert en arts martiaux, il manie le pudao, une Ă©pĂ©e avec une longue poignĂ©e, et un bâton, appelĂ© gun, il vit comme un hors-la-loi par choix. Son tatouage reste un des thèmes les plus populaires dans le tatouage japonais, bien qu’il soit un des plus longs Ă  rĂ©aliser.

Fujin et Raijin, dieux du tonnerre et du vent, sont souvent reprĂ©sentĂ©s  en train de monter des dragons. MĂŞme si physiquement ils ressemblent Ă  des oni, ils ne sont pas dĂ©moniaques, mais reprĂ©sentent bel et bien des divinitĂ©s. La nature ambivalente des oni est très courante dans l’iconographie japonaise, d’autant plus que les oni ne sont pas toujours des dĂ©mons.

UN PROJET DE TATOUAGE ?