Tatouage japonais : KoĂŻ

Illustration japonaise la Carpe đź‘ą Nuevo Mundo studio de tatouage japonais Ă  Strasbourg

La Carpe

La koi est un des animaux les plus iconiques dans la culture japonaise. Elle est considérée comme un animal faisant preuve de résistance face à l’adversité, c’est pourquoi elle est très souvent représentée en allant à contre-courant de la rivière, cette iconographie est très courante dans le tatouage traditionnel japonais. La carpe remontant la rivière est une scène légendaire venant de Chine, «les rapides de la rivière d’or».

Selon la lĂ©gende, seuls les poissons les plus forts sont capables de remonter la rivière dorĂ©e et traverser la «porte du dragon», oĂą ils se transformeront en dragon et vivront alors un bonheur Ă©ternel. Seules les carpes qui ont la force et la dĂ©termination nĂ©cessaire peuvent accomplir ce processus. La bravoure de la carpe et sa persistance ont fait naĂ®tre l’expression japonaise toryumon (passer la porte du dragon). Souvent dans le tatouage la transformation de la carpe en dragon est reprĂ©sentĂ©e par un corps de carpe avec quelques traits de transformation et  une tĂŞte de dragon, on appelle ce tĂŞte koiryu.

Durant le XIXème siècle, en même temps que le boom de l’ukiyo-e, rencontrant un très grand succès, et que l’irezumi n’allait pas tarder à lui aussi exploser, les fermiers et agriculteurs de riz de la province de Niigata (centre ouest de l’archipel) commencèrent à élever les carpes comme source de nourriture.

Ils remarquèrent alors qu’elles avaient des couleurs plus vives et attiraient plus les prédateurs, ils les séparèrent donc dans plusieurs étangs.

L’enthousiasme pour l’élevage de carpes gagna tout le Japon quand l’empereur Hirohito (1901-1989) introduisit des carpes dans l’étang du Palais Impérial en 1914. Les classes supérieures, dont la famille impériale elle-même, adoptée comme un symbole de la famille. L’élevage de carpes continue encore aujourd’hui et certains spécimens vont chercher dans plus de cent mille euros, considérés comme étant de très anciens bijoux. Les étangs de carpes peuvent être trouvés dans de nombreux cimetières, qui font alors office d’ornements complétant à la perfection les jardins.

La koi est aussi considĂ©rĂ©e comme un symbole masculin,  c’est l’emblème de Kodomo no hi, ou le jour des enfants, une fĂŞte nationale cĂ©lĂ©brĂ©e le 5 mai de chaque annĂ©e, durant laquelle des bannières peintes de carpes sont arborĂ©es dans toutes les rues du Japon. Dans la pratique il est difficile de savoir quel est le sexe d’une koi jusqu’à ses dix ans, jusque lĂ  on se fie Ă  des critères physiques, le mâle ayant une couleur plus brillante et la femelle une forme plus ronde. C’est surtout en Ă©tĂ© que l’on peut mieux les distinguer, principalement Ă  cause du comportement des mâles, qui harcèlent sans cesse les femelles. Cette attitude très humaine, combiner Ă  la longĂ©vitĂ© de la koi (elles ont une espĂ©rance de vie pouvant aller jusque cent ans!) leur donne une autre symbolique: celle d’un couple heureux vivant Ă©ternellement ensemble.  Deux carpes ensemble symbolisent un mariage long et heureux, ainsi qu’une longue vie, ce symbolisme se voit mĂŞme dans le kanji signifiant «amour», se prononçant Ă©galement «koi» en japonais.

La reprĂ©sentation la plus commune dans les estampes et dans le tatouage montre une carpe se battant avec Oniwakamaru (le jeune Benkei) ou le lĂ©gendaire Kintaro (le garçon dorĂ©), cette scène est appelĂ©e koitaro. Kintaro, un enfant Ă  la force herculĂ©enne Ă©levĂ© par un genre d’ogre dans des montagnes, est un hĂ©ros mythologique très populaire qui dĂ©montra sa force en combattant de nombreux animaux. MĂŞme si dans les lĂ©gendes anciennes Kintaro n’a jamais combattu de carpe, on pense que le thème koitaro a Ă©tĂ© inventĂ© par l’illustrateur Kuniyoshi, qui a mĂ©langĂ© la lĂ©gende de Kintaro avec celle de Benkei, que nous verrons plus tard, afin de les reprĂ©senter dans un seul design.

La lĂ©gende du hĂ©ros Benkei, le fĂ©roce moine et frère d’armes de Minamoto no Yoshitsune, est un des folklores les plus cĂ©lèbres au Japon. SurnommĂ© Oniwakamaru (le jeune enfant dĂ©mon), ce jeune garçon a vu sa mère se faire enlever par une carpe dans les cascades de Bishamon. Ça a eu un impact tel sur l’enfant qu’il a grandi avec l’obsession de venger l’enlèvement et la mort de sa mère, il a donc attendu des annĂ©es pour voir Ă  nouveau la carpe gĂ©ante passer près de la mĂŞme cascade. Lorsque le jour arrivera oĂą la carpe revint au mĂŞme endroit, le jeune homme bondit sur elle, l’attrapa en Ă©tant dans son dos et la poignarde avec son katana jusqu’à ce qu’elle meurt. En rĂ©alitĂ©, il s’aperçut après le combat que la koi Ă©tait le fantĂ´me de sa propre mère. GĂ©nĂ©ralement lorsqu’un animal gĂ©ant apparaĂ®t dans une lĂ©gende c’est qu’il s’agit d’un yokai ou d’une entitĂ© surnaturelle.

Cette image d’un enfant agrippé dans le dos d’une carpe est un des motifs les plus populaires au Japon.

Un autre personnage liĂ© aux carpes est Kuan-yin, ainsi nommĂ© en Chine, et appelĂ© Kannon au Japon. Elle n’est pas une dĂ©esse, comme c’est souvent pensĂ© en occident, mais une femme «illuminĂ©e» – une bodhisattva qui donne donne sa pitiĂ©, sa misĂ©ricorde aux humains, qui les sauve dans des moments difficiles et Ă©coute leurs prières quand ils souhaitent avoir un enfant. Elle s’assure Ă©galement que tous les humains atteignent l’illumination, elle a jurĂ© de ne pas monter aux paradis jusqu’à ce que chacun n’y soit pas. Elle est gĂ©nĂ©ralement reprĂ©sentĂ©e se tenant sur un lotus, une carpe ou un dragon, tenant une bouteille d’oĂą toute l’eau du monde provient, c’est pourquoi elle est connue et considĂ©rĂ©e comme «la Mère de l’eau».

Elle est aussi appelée «la mère de la miséricorde», car elle assiste à toutes les prières de tous les humains lorsqu’ils vivent des temps difficiles. Montée sur son dragon, elle sauve de la mort ceux qui vont périr de l’eau, du feu et des armes. Quand elle est représentée sur un lotus, elle symbolise un talisman pour ceux ne priant et ne pouvant pas avoir d’enfant. Elle peut des fois être dépeinte avec une carpe ou une carpe-dragon (koiryu), remontant la rivière dorée.

Comme la carpe est un animal vivant dans les rivières, il est juste de l’associer à des animaux de la forêt, comme le tigre, le faucon ou le paon, respectant leur symbolisme propre. Ainsi il doit toujours apparaître en fond de l’eau et des rochers.

En ce qui concerne les fleurs pouvant ĂŞtre associĂ©es aux carpes dans le tatouage, il est possible de par sa nature aquatique et surnaturelle de mettre des lotus, ainsi que des pivoines pour symboliser la beautĂ©, reprĂ©sentant aussi la famille royale, elles sont dans les canons. Cependant il y a des dĂ©saccords lorsque l’on en vient aux plus petites fleurs. En s’en tenant Ă  la tradition, il serait correct d’associer les carpes aux fleurs de cerisier, les sakuras, Ă  cause de leur beautĂ© et de leur cĂ´tĂ© Ă©phĂ©mère, mais elles fleurissent au printemps, qui est le moment de l’annĂ©e oĂą les carpes sont encore en semi-hibernation, elles ne remontent pas la rivière avant l’automne. Se raccordant Ă  ceci beaucoup de maĂ®tres du tatouage prĂ©fèrent les reprĂ©senter avec des feuilles d’érable, mĂŞme s’il y a un sens contraire quant Ă  leur symbolise, car elles reprĂ©sentent la proximitĂ© avec la mort ou la fin d’un cycle. En rĂ©alitĂ© l’un des deux peut ĂŞtre correct, puisqu’elles indiquent une pĂ©riode diffĂ©rente dans une annĂ©e.

Pour finir, en termes de couleurs, il y a trois types de carpes dans le tatouage japonais: higoi (la carpe rouge),  magoi (la carpe noire) et nishikigoi (la carpe multicolore, ou «le bijou vivant»).

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